LE CHÊNE, UNE ESSENCE VULNÉRABLE EN AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
Les principaux chiffres de la forêt et du bois Auvergne-Rhône-Alpes :
• 527 millions de m3 de bois sur pied au total dans les forêts régionales dont 93 millions de m3 de sapin sur pied au total dans les forêts régionales
• 5,9 millions de m3 de bois récoltés en 2024 toutes essences confondues soit 1,1% du volume total de bois sur pied
• le chêne sessile (ou rouvre) couvre 262 000 ha de forêts et représente 54 millions de m3de bois sur pied
• le chêne pédonculé couvre 148 000 ha de forêts et représente 28 millions de m3 de bois sur pied
• Les chênes sessile et pédonculé représente 57 000 m3 de sciages par an en Auvergne-Rhône-Alpes
Source : https://ocre-gp.ign.fr/(IGN/IFN inventaires 2019 à 2023)
Le chêne sessile et le chêne pédonculé constituent les espèces les plus répandues en Auvergne-Rhône-Alpes en particulier dans l’Allier, le Puy de Dôme et le Cantal. D’autres sont également présentes mais en bien moindre importance en particulier dans la vallée du Rhône et les départements de l’Ardèche, de la Drôme, de l’Ain et de l’Isère comme le chêne pubescent, le chêne vert, le chêne kermès ou le chêne rouge.
Principaux départements pour le volume de chênes sur pied toutes espèces confondues (100 millions de m3 de bois sur pied) :
• Allier = 23% du volume de bois sur pied
• Puy de Dôme = 15%
• Cantal = 12%
• Drôme = 11%
• Ardèche = 8%
Source : AGRESTE 2016 basée sur les inventaires 2009-2013



PHÉNOMÈNES RESPONSABLES DU DÉPÉRISSEMENT
Facteurs climatiques
Le dépérissement du chêne tout comme les autres essences vulnérables est la conséquence de causes multifactorielles, néanmoins il existe des facteurs prédominants :
• Sécheresses répétées : plusieurs années de sécheresse entre 2018 et 2025, plus ou moins marquées en fonction des départements ont considérablement affaibli les chênes. L’alimentation en eau devient le facteur limitant principal.
• Températures extrêmes : les canicules et variations thermiques brutales fragilisent les arbres surtout dans le jeune âge et favorisent le développement des bio-agresseurs.
• Évènements météorologiques : orages violents, averses de grêle et tempêtes causent des dommages directs et des points d’entrée pour les pathogènes.
En période de sécheresse prolongée, le chêne, comme d’autres essences d’arbres, peut subir une embolie gazeuse. Il s’agit d’une entrée d’air dans le circuit de circulation d’eau des arbres qui entraîne la rupture de ce circuit. Elle peut provoquer la mort de l’arbre ou le fragiliser, le rendant plus vulnérable aux attaques des bioagresseurs.
𖦹 Voir le schéma de la spirale du dépérissement en cliquant ici !
Les bioagresseurs du chêne
• Le bombyx disparate : insecte dont les chenilles causent des défoliations spectaculaires. Les femelles pondent sur les troncs, et une fois écloses, les chenilles se nourrissent des feuilles. Il est présent dans toutes les chênaies françaises.
• L’agrile : coléoptère qui colonise les chênes déjà affaiblis. Leurs larves creusent des galeries zigzagantes dans le cambium interrompant la circulation de la sève et accélérant le dépérissement.
• L’orcheste du chêne : charançon qui s’attaque aux rameaux, provoquant un rougissement caractéristique des feuilles.
• L’oïdium : champignon causant un blanchissement des feuilles, les desséchant et les faisant tomber prématurément. Cela réduit la période de photosynthèse de l’arbre.
• Le collybie à pied en fuseau : champignon affectant le système racinaire, entravant encore davantage la capacité des chênes à puiser l’eau en période de sécheresse.
• Le tigre du chêne ou punaise réticulée : il ne tue pas directement les arbres, s’attaque à leurs feuillages, freine la photosynthèse et empêche les glands de mener à bien leur fructification. En tombant au sol, ils ne sont pas suffisamment matures, ne pourront jamais germer ni assurer la régénération naturelle des chênes
Source : Portail de l’INRAE qui héberge plusieurs applications en santé des plantes

LES CONSÉQUENCES ÉCOLOGIQUES
Les chênes dépérissants connaissent une forte diminution de leur masse foliaire, impactant directement :
• Leur capacité de photosynthèse. D’une année sur l’autre l’arbre garde en mémoire l’épisode de sécheresse et de chaleur de l’année précédente, il se préserve en réduisant la taille de ses feuilles.
• Leur fructification. Tout comme sur les arbres fruitiers, le manque d’eau et les températures très chaudes limitent le nombre et la taille des fruits.
• Leur captation de carbone réalisée par la photosynthèse. La taille et le nombre de feuilles déterminent la quantité de carbone prélevé et stocké par l’arbre. Moins de feuilles ayant des tailles plus petites réduit la captation de carbone or le CO2 est l’un des principaux gaz responsables de l’accroissement de l’effet de serre et la forêt l’un des principaux puits de carbone sur la planète avec les océans.
• La régénération naturelle des peuplements par le maintien d’une ambiance forestière (température, humidité, humus…) propice à la naissance et au développement des pousses et la fructification (voir plus haut).

LA SITUATION EN AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
• 3ème essence la plus importante en Auvergne-Rhône-Alpes
• 100 millions de m3 de chênes sur pied
• 23% des volumes dans le département de l’Allier dont une part importante en bois de très haute qualité (merrain).
Le département de l’Allier compte la plus importante activité d’exploitation du chêne cependant sa transformation y ait moins importante que dans l’Ain. L’enjeu reste néanmoins essentiel pour l’avenir et le développement des entreprises de transformation de ce département mais aussi et surtout de la filière de transformation régionale et nationale du chêne. En Auvergne-Rhône-Alpes, le département le plus affecté est l’Allier où selon les derniers chiffres fournis par l’Office National des Forêts concernant les forêts publiques soumises au régime forestier :
• 58 870 m³ de bois dépérissants ont été récoltés en 2023
• Sur une moyenne habituelle de 126 000 m³ soit 46% de bois dépérissants
• 800 hectares à renouveler par anticipation (2021-2022) équivalent à 8 années d’ouverture habituelle au renouvellement
Ces données ne représentent que les 20% de forêts publiques mais les proportions en forêt privée bien que non-chiffrée peuvent être considérées comme similaires.
Les chênes en Isère et en Savoie sont quant à eux touchés par la punaise réticulée en particulier dans les contreforts de Belledonne et aux abords de Chambéry.
Sources et références : Point sur les dépérissements de chênes dans l’Allier (Office National des Forêts)

SOLUTIONS DE VALORISATION DES BOIS DÉPÉRISSANTS
L’exploitation et l’extraction rapides des chênes dépérissants sont cruciales pour limiter la dégradation et optimiser leur utilisation dans les usages les plus nobles. Les principales altérations observées sur les chênes dépérissants et affectant leur qualité et donc leur valeur commerciale sont les suivantes :
• Bois secs
• Bois piqués par des insectes ou des larves
• Les gélivures, roulures, lunures, coeur étoilé…
• Trous de capricorne
• Aubiers morts
Source défauts : https://www.forestiere-taure.fr/actualites/les-singularites-du-chene-chapitre-1
Ces altérations ne peuvent bien souvent être visibles qu’au moment du sciage des bois. Un tri plus important est alors nécessaire. Elles ne rendent pas forcément le bois inutilisable mais sa valorisation sera forcément moins prestigieuse. Par ordre de valorisation le chêne sessile ou pédonculé peut être utilisé :
• en élevage du vin et spiritueux (tonnellerie, copeaux ou staves),
• en mobilier,
• en aménagement intérieur (parquet, lambris, panneaux collés…),
• en menuiserie extérieure,
• en charpente ou structure (solivage de plancher, poteaux) en bois massif ou bois lamellé-collé,
• en aménagement paysager (traverses, terrasse, berges de canaux…)
• en traverses de chemin de fer (bois sous rail)
• en mytiliculture (pieux pour l’élevage des moules de bouchot)
• en emballage (produits de calage)
• en bois énergie
Les produits pour valoriser ces bois dépérissant existent (du 6 à 10) mais les débouchés ne sont pas suffisants pour absorber la quantité de bois disponible et moins rémunérateurs. Les prescripteurs ou utilisateurs connaissent connaissent mal ces produits et/ou les particularités du chêne (essence avec duramen naturellement durable pour un emploi en classe 4), en particulier pour les aménagements paysagers. Les produits de structure (charpente, poteaux, solivage…) seront plus onéreux que les bois résineux, idem pour les menuiseries extérieures mais en disposant d’une durabilité naturelle plus importante et d’une meilleure résistance mécanique. Ses qualités sont mieux connues et appréciées en revanche pour les parquets (aspect, dureté).

Dégâts de capricorne => trou qui traverse la planche donc aucune valorisation possible.



L’ADAPTATION DU CHÊNE
Les forestiers d’Auvergne-Rhône-Alpes, particulièrement dans l’Allier, ont développé une expertise dans la gestion du dépérissement avec des méthodes de suivi de l’état sanitaire et des évolutions de gestion qu’ils partagent d’ailleurs avec d’autres régions. De nombreux outils d’assistance à la gestion sylvicole sont aussi à la disposition des gestionnaires pour leur permettre de mieux choisir les essences qui seront adaptées selon différents scénarios liés au changement climatique. L’Office National des Forêts s’appuie aujourd’hui sur 3 grandes orientations pour reconstruire les 1 187 hectares en forêt domaniales de l’Allier suite aux dépérissements de chênes :
1- La régénération naturelle dès lors que les semenciers présents sont suffisamment nombreux (c’est-à-dire au moins 60 arbres à l’hectare)
2- L’enrichissement des régénérations naturelles avec des plants de chênes venus du Sud et d’espèces susceptibles de résister aux évolutions climatiques
3- En plantant de nouveaux arbres dans des îlots d’avenir : l’objectif est de balayer la palette d’essences la plus large et diversifiée possible afin de disposer le moment venu de solutions déjà testées de manière marginale
Sources et références :
↪ Réparer et préparer les chênaies publiques de l’Allier face aux évolutions climatiques (ONF)
↪ ONF – Le chêne souffre mais il s’adapte
↪ 300 000 plants pour redessiner les chênaies de l’Allier (ONF)
↪ Les chênaies de l’Allier face aux évolutions du climat (CNPF)
↪ Road sampling 2025 : retour sur l’état de plus de 100 massifs de chênes
↪ Apport de la télédétection pour la cartographie du dépérissement forestier des chênes en Centre Val de Loire





